Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/145

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J’ajoute à cette dernière lettre que nous prévînmes la visite des nouveaux mariés à Mariafeld en leur portant nous-mêmes nos vœux de bonheur.

Ce fut un dimanche, le 3 septembre 1870, que nous nous rendîmes à Tribschen. Dans la salle d’attente de la gare de Zurich régnait la plus grande animation, car, avec la nouvelle de la victoire de Sedan, on venait d’apprendre que l’empereur des Français s’était constitué prisonnier entre les mains du roi de Prusse. Ce grand événement remplit mon mari de joie et je partageai son sentiment. Mais, pendant que le train nous emportait vers Lucerne, fidèle à sa nature féminine, ma pensée s’occupait pourtant de l’immédiat, je songeais au douloureux épisode qui, six ans auparavant, avait amené Wagner à Mariafeld et l’avait intimement rapproché de moi, au changement subit survenu dans son sort, au bonheur qui lui était échu et comment aujourd’hui, débarrassé de toutes les épines qui couvraient son chemin à Munich, il était libre de travailler, de créer et d’être heureux comme il l’entendait. Affiné par des années de lutte et de persévérance, son amour s’était conservé fidèle et profond pour la femme héroïque et de haute race qu’il pouvait à présent joyeusement et fièrement proclamer sienne à la