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Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/27

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personnalité qui est nécessaire ici, quelque insignifiante qu’elle puisse être.

Si la jeunesse de mon mari s’est passée dans la lutte, la mienne n’a rien connu des rigueurs de la vie : jamais enfants ne furent plus heureux dans la maison paternelle, soutenus par un amour plus profond, conduits inconsciemment au juste, au bon et au beau par un exemple plus entraînant. Oui, aujourd’hui qu’arrivée à l’âge de soixante-seize ans, je récapitule les bénédictions de ma jeunesse, je sens qu’elle fut incomparablement belle et que jamais jeune fille ne se développa plus librement d’après ses sentiments et ses dispositions naturels.

Chez nous, les jeunes filles n’allaient point à l’école ; des professeurs et des gouvernantes leur donnaient des leçons, les langues étrangères s’apprenaient par la conversation ; mon père parlait anglais avec nous, c’était sa langue maternelle ; avec notre mère et entre nous, nous parlions allemand ; avec la gouvernante, français. Le dessin, la musique, la danse, un peu de géographie et d’histoire, les rudiments de la littérature formaient les matières de l’enseignement, mais nos parents nous enseignaient à vivre, à aimer, à être reconnaissants, à servir et à obéir. Mon père vénérait l’âme de vérité qu’il y a en toute religion, mais, disciple