Aller au contenu

Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des moralistes anglais, le devoir était pour lui le bien suprême et c’était la force initiale qu’il développait dans nos consciences. « Libre », disait-il, « tu dois l’être, mais inébranlablement ferme, liée par le devoir que tu as pris sur toi. Ce qui est ton devoir à toi, nul ne peut l’accomplir pour toi. » C’est là la pierre fondamentale qu’il avait posée et sur laquelle nous devions bâtir, quelles que fussent les circonstances de notre vie future.

Du temps de ma jeunesse, l’éducation scientifique de la femme n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Une jeune fille qui voulait étudier, n’avait à sa disposition que des livres qui ne lui étaient pas enlevés, puis la conversation des hommes instruits. Il venait beaucoup de monde chez nous : comme les oiseaux, j’allais à la picorée, cherchant les grains de science dont j’avais besoin et quelle félicité il y avait à chercher et à trouver !

La musique faisait partie de notre vie. Mon père avait ses soirées de quatuors ; j’entends encore aujourd’hui vibrer au fond de mon âme le son de son violon et sa manière de phraser. Ma sœur aînée, qui avait une voix admirable, avait pour professeur Louise Reichardt, fille du maître de chapelle que nous vénérions en sa qualité d’ami de Gœthe ; mon professeur à