Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/49

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un extérieur agréable, était gaie et animée et semblait se trouver remarquablement heureuse en société. Il était extraordinairement vif et, tout en ayant conscience de sa valeur, avait une grande amabilité naturelle.

J’avais vu la veille le Vaisseau-Fantôme. Mme Schröder-Devrient était bien la Senta qu’il fallait au romantique pays de la légende que la poésie et la musique du Maître nous avaient ouvert. Cette tempête déchaînée sous le ciel du Nord, cette âme désespérée, poursuivie par de sombres puissances, ne pouvant arriver au repos que par le sacrifice que l’amour le plus pur fait de lui-même, pour conjurer la malédiction et la transformer en paix et en sérénité, tout cela m’avait empoignée ! Quel sujet pour la musique ! Mysticisme, légende et poésie ne sont-ils pas de son essence ? C’est au monde merveilleux de la polyphonie que le poète avait emprunté une langue pour celui qui, chassé du ciel, n’appartenant plus à la terre, errant sur la scène sous la forme humaine, n’est pourtant point un homme !

Hector Berlioz était aussi à Dresde alors et faisait exécuter ses grandes et fantastiques créations. J’avais aussi vu Rienzi dans la splendeur et l’illusion de la scène ; Tichatchek faisait une grande impression en tribun, avec