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Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/54

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Herwegh n’était pas musicien, mais Wagner aimait sa société ; il en était de même de Wille. « Vous n’êtes pas musicien ! Vous dites que vous n’êtes pas créateur ! Qu’est-ce que cela fait ? Vous avez la vie… quand vous êtes là, on sent sa propre pensée qui se dégage ! » C’est ce qu’il disait à Wille.

Un joyeux cercle s’était donc formé à Mariafeld. Ce qui se disait entre hommes ne pouvait m’intéresser que partiellement. Herwegh suivait le cours de physiologie du professeur Ludwig, Wille parlait de Carlyle et de Stuart Mill ; mais la littérature, l’art et la philosophie étaient un sujet inépuisable pour tous.

Pendant la matinée, ces messieurs restaient ordinairement entre eux, dans le bureau de mon mari ; quand j’étais présente, je m’occupais de quelque ouvrage de mains, écoutant tout, mais parlant rarement. Du temps auquel j’étais redevable de mon éducation et de mon instruction, on trouvait présomptueux qu’une femme parlât de choses qu’elle ne connaissait que superficiellement, ne les ayant jamais étudiées à fond.

J’avais immensément lu dans ma première jeunesse : un besoin ardent et inquiet me poussait dans ce monde merveilleux où planent et régnent les pensées des meilleurs d’entre les