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Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/81

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un concert au bénéfice des fonds de l’orchestre : le succès avait été tel que l’institution prit dès lors un grand développement. Wille le voyait alors tous les jours ; mon mari m’a souvent conté comment Liszt était venu à lui au moment où, ayant renoncé à sa place de rédacteur (parce que son directeur s’arrogeait le droit de censurer et de mutiler ses articles), il avait pris la résolution, malgré son dénûment, de poursuivre la chose devant les tribunaux ; Liszt alors lui avait dit : « Si j’avais une maison de campagne et que je t’invitasse à être mon hôte, te sentirais-tu blessé dans ta fierté ? C’est la même chose si je t’invite à m’accompagner dans mes voyages. Que veux-tu faire à Hambourg ? Ta place est à Paris. » Mais, quels que fussent les obstacles à vaincre, Wille ne voulait pas d’autre voie que celle qu’il se traçait lui-même : il avait ce que Wienbarg appelait « une monade inappréhensible ».

Pour ma part, j’avais vu Liszt pour la première fois à Paris en 1833 ; il était alors dans tout l’épanouissement de sa première jeunesse, et il y avait quelque chose de lumineux dans son apparition. J’aime à me rappeler une soirée intime où il se mit à jouer des valses à quatre mains avec Chopin, et où nous autres, jeunes filles, nous eûmes l’audace de danser à pareille