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MES SOUVENIRS SUR SCHNORR

artistes diversement doués peut [irudnire un fécond échange de résultats, quand leurs facultés se complètent parfaitement.

Après cette répétition, nous ne dîmes plus un mot de Tannhæuser. Même après la représentation, qui eut lieu le soir suivant, c’est à peine s’il nous échappa une parole à ce sujet ; pour ma part, je ne lui fis ni compliments ni remerciements : ce soir-là, grâce à l’interprétation merveilleuse, tout à fait inexprimable, de mon ami, j’avais jeté jusqu’au fond de ma propre création un de ces regards comme il a été bien rarement donné à un artiste, jamais peut-être, d’en jeter. On est alors envahi par un saisissement sacré, en face duquel on doit observer un religieux silence.

Dans cette unique interprétation de Tannhæuser, qui ne fut jamais répétée, Schnorr avait complètement réalisé mes intentions artistiques les plus intimes ; l’élément démoniaque dans le ravissement ou la douleur n’était pas perdu de vue un seul instant ; pour