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SOUVENIRS

dont les relations avec Rossini étaient fréquentes et amicales, renouvela auprès de moi les mêmes instances : en rendant visite à ce

    sini, mentionnons ce trait, qui m’a été rapporté par Liszt, il y a déjà nombre d’années. Un jour, ayant montré au maître une de ses premières compositions de jeunesse, fortement excentrique, il en reçut ce plaisant éloge : « Le chaos vous a encore mieux réussi qu’au maître Haydn. » Aussi, est-ce l’indice de sentiments peu respectueux, mais en tout cas la preuve d’un goût fort grossier, que d’avoir gâté cette plaisanterie vraiment spirituelle, comme cela vient de se faire à cette place, en prêtant à Rossini la platitude suivante : « Le chaos d’Haydn me plaît plus » ; sans compter l’irrévérence de rééditer ce mot rebattu et pesant : « L’autre me plaît davantage (*) », pour le mettre sur le dos de l’illustre maître. Quant au fait d’avoir transporté cette anecdote de la première jeunesse de Liszt, à l’extrême époque de l’abbé Liszt, il rentre en fin de compte dans la catégorie de ces légèretés qui en prennent si fort à leur aise avec la mémoire de Rossini, et qui, si on les laissait passer sans rectification, pourraient facilement laisser croire que le digne maître, à qui Liszt avait voué une amitié constante et un respect sincère, avait à se reprocher une très grave duplicité.

    (*) En français.