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ACTE PREMIER

Fais jaillir l’ouragan du combat des nuages ;
Fais bouillonner les vagues de la mer !
Creuse le gouffre aux lueurs de l’éclair,
Ouvre l’abîme et montre-lui sa proie,
Fracasse enfin ce navire orgueilleux,
Sous le choc des flots furieux ;
Et pour salaire, ô vent ! je te donne, avec joie,
Le souffle de tous ceux qui sont à bord !

BRANGAINE,
vivement émue et s’empressant auprès d’Yseult.

Yseult ! — non ! — non ! n’évoque pas la mort !
Ô parle, — parle ! — fille chère !
De ton secret fais-moi l’aveu ! —
Pas une larme, hélas ! pour ton père et ta mère !
En les quittant, à peine un mot d’adieu !
Depuis ce jour… muette, pâle et sombre…
Sans sommeil… sans repos,
Tu vas errante, comme une ombre,
L’œil hagard, fixé sur les flots !
Ah ! quel chagrin, pour moi qui t’aime,
De voir ton pauvre cœur s’enfermer en lui-même ! —
Ô viens, ma fille,… explique toi ;
D’où vient ton trouble, dis le moi !
Viens, ô ma reine !
Conte ta peine
À qui sait y compâtir ;
Ne désole plus ta Brangaine !

YSEULT.


De l’air ! de l’air ! je me sens défaillir !
Ouvre au large… je vais mourir !

Brangaine écarte vivement les tentures du fond.