Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/182

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térieurement à cette ordonnance, les actes rédigés en français doivent se rencontrer fréquemment dans les archives d’Angleterre. Aujourd’hui encore les coutumes d’Angleterre sont écrites dans une des langues que parlaient nos pères.

On sait que nous avons eu en France deux langues vulgaires, l’une qui se parlait au Midi et qu’on nomme langue romance, langue romane ou langue d’oc ; l’autre qui se parlait au Nord et qu’on nomme langue d’oil. Les troubadours ont employé la première, et les trouvères la seconde. On pense généralement que la langue romane s’est formée avant l’autre. Cependant l’opinion contraire a été soutenue, en ce sens du moins que nos premières épopées appartiendraient à l’idiome du Nord.

La langue vulgaire du Midi est-elle entièrement d’origine latine ? Ne peut-on pas y découvrir quelques éléments grecs et ibériens ? Quand on rencontre dans la langue du Nord un mot qu’on peut rapporter indifféremment aux idiomes celtiques et au latin, ne doit-on pas dans certaines circonstances préférer la première origine à la seconde ? Ces doutes sont exprimés par M. Michelet, dans son Histoire de France. Ce n’est pas à nous qu’il appartient de les résoudre. Nous n’examinerons pas non plus si le latin a influé directement sur la langue vulgaire du Nord ou seulement par l’intermédiaire de la langue romane. Contentons-nous d’indiquer aux personnes qui voudront s’occuper de la langue romane les savants ouvrages de M. Raynouard, dont la mort récente a excité de vifs et d’universels regrets. Quant à la langue du Nord, elle n’a été jusqu’à ce jour que très-imparfaitement étudiée. On pourra cependant consulter avec fruit le Supplément de Carpentier au Dictionnaire de du Cange, le Glossaire de Roquefort et surtout le Dictionnaire manuscrit de Sainte-Palaye.

On ne connaît pas de plus ancien monument de langue vulgaire que le double serment prêté en 842 par Charles le Chauve et Louis le Germanique. Les Bénédictins citent ensuite une charte donnée en 940 par Adalbéron, évêque de Metz. Au xe siècle, quelques pièces appartenant au Languedoc présentent un mélange de latin et de langue romane. Les monuments de cet idiome deviennent plus communs dans le siècle suivant dont la seconde moitié fournit des actes presque entièrement dépourvus de latin. Les Bénédictins citent comme les monuments les plus anciens de la langue vulgaire du Nord, des chartes de 1133, 1147, 1168 et 1183, 1206, 1215 et 1220. Comme ces actes ne devinrent communs que sous le règne de Philippe le Hardi, on ne devrait pas négliger de publier ceux qu’on pourrait découvrir antérieurement à la seconde moitié du xiie siècle. Nous croyons devoir donner ici la copie