Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/401

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leurs massifs, ont été moins imitées des autres nations que les précédentes. « Les treillages et les entortillements ont souvent lieu dans ces formes de lettres. Les lettres fleuronnées ou fleuries, constamment employées dans les

manuscrits, ont passé de là dans les imprimés. Leur variété presque infinie 

ouvrait sans doute un vaste champ à l’imagination des peintres de manuscrits. Aussi se donnèrent-ils carrière en ce genre. Aux vin et ix e siècles, ils diversifièrent prodigieusement leurs lettres historiées. Souvent les couleurs

les plus vives et les plus tranchantes y contrastèrent. Rien dans la nature 

"dont ces lettres n’aient emprunté la forme. Mais, après l’avoir pour ainsi

dire épuisée, à force de vouloir raffiner les enlumineurs et les peintres tomhèrent 

dans le ridicule et dans l’extravagant. Toutefois, avant le xiii c siècle,

ils s’en préservèrent en quelque sorte, si l’on compare leurs productions de 
1 imagination la plus égarée avec celles des siècles suivants. On ne vit plus 
alors ces lettres garnies que de têtes déplacées avec des nez monstrueux, ou 
hien elles se chargèrent de lignes de diverses couleurs, en barhes, en gerbes,
en chevelures bouclées par les extrémités. Souvent leurs extensions postiches 
ne se bornèrent pas, soit à remonter au haut, soit à descendre au bas de la 
page, mais se replièrent encore le long des marges supérieures et inférieures. 
Cependant le corps de la lettre proprement dite n’avait ordinairement guère 
plus d’un pouce de diamètre. Les extensions chevelues affectaient des couleurs 

opposées à celles du fond de la lettre. Deux fdets voisins soutenaient

souvent leur alternative de couleur autant de fois qu’ils étaient répétés. Dans 
leurs intervalles, d’autres petites lignes, qui ne tenaient à rien, se trouvaient 
placées. Souvent elles étaient en vis ou en volute. Quand les filigranes 
n’avaient pas lieu, les échappements des lettres, presque en forme d’antennes,
ne laissaient pas d’occuper autant ou plus de terrain, lors même qu’on leur 
donnait pour fond des feuilles d’or. En un mot, tout ce qu’un goût dépravé 
peut produire de plus absurde, tout ce qu’un cerveau frénétique peut enfanter 

e chimères, fut presque l’unique apanage des lettres historiées

des xin c, xiv e et xv e siècles. Cependant c’est au xv e qu’on commence un peu 
à se réconcilier avec la belle nature. On en découvre même quelques 
faibles préludes dès le xiv e. Ces filigranes et ces échappements de lettres 
historiées donnèrent lieu à des vignettes, à des rinceaux où l’on vit 
naître des fleurs et des fruits. Les enlumineurs s’exercèrent d’abord beaucoup 

ur les fraises, et c’est peut-être en quoi ils réussirent le mieux. Leurs

dessins, au reste, étaient des pièces mal assorties. S’ils s’avisaient d’orner les 
manuscrits de portraits, leurs personnages étaient roides et sans vie. Mais 
peu à peu leurs miniatures devinrent plus douces, plus finies et plus natu-