Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t2, 8e mille.djvu/243

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Voici l’heure qui bout de sang et de jeunesse,
Voici la formidable et merveilleuse ivresse
D’un vin si fou que rien n’y semble amer.
Un vaste espoir, venu de l’inconnu, déplace
L’équilibre ancien dont les âmes sont lasses.
La nature paraît sculpter
Un visage nouveau à son éternité ;
Tout bouge — et l’on dirait les horizons en marche.
Les ponts, les tours, les arches
Tremblent, au fond du sol profond.
La multitude et ses brusques poussées
Semblent faire éclater les villes oppressées ;
L’heure a sonné des débâcles et des miracles
Et des gestes d’éclair et d’or,
Là-bas, au loin, sur les Thabors.

Comme une vague en des fleuves perdue,
Comme une aile effacée, au fond de l’étendue,
Engouffre-toi,
Mon cœur, en ces foules, battant les capitales
De leurs terreurs et de leurs rages triomphales ;
Vois s’irriter et s’exalter
Chaque clameur, chaque folie et chaque effroi ;
Fais un faisceau de ces milliers de fibres :
Muscles tendus et nerfs qui vibrent ;
Aimante et réunis tous ces courants — et prends
Si large part à ces brusques métamorphoses
D’hommes et de choses,
Que tu sentes l’obscure et formidable loi
Qui les domine et les opprime
Soudainement, à coups d’éclair, se préciser en toi.

Mets en accord ta force avec les destinées
Que la foule, sans le savoir,
Promulgue, en cette nuit d’angoisse illuminée.
Ce que sera, demain, le droit et le devoir,
Seule, elle en a l’instinct profond,
Et l’univers total s’attelle et collabore,
Avec ces milliers de causes qu’on ignore
À chaque effort vers le futur, qu’elle élabore,
Rouge et tragique, à l’horizon.

Oh ! l’avenir, comme on l’écoute