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mor, et pour l’être vraiment et sincèrement, il lui suffira de prêter l’oreille à toutes les voix lointaines qui chantent dans ses souvenirs d’enfance. Aujourd’hui encore, M. Botrel rappelle avec un fier plaisir qu’il ne suivit que l’école des Frères. Mais la vraie école du poète, celle qui a façonné son âme pour l’avenir, c’est l’école du foyer breton, de la chaumière bretonne, l’école de ces longues veillées au coin de l’âtre, sous les poutres enfumées, qu’il a si bien décrites dans les Contes du « Lit-Clos ».

À onze ans, un oncle l’amène à Paris.

Après avoir franchi les premières étapes de sa carrière, après avoir passé tour à tour chez un serrurier, chez un lapidaire, chez un éditeur de musique, chez un courtier d’assurances maritimes, « il vient échouer un beau jour dans une étude d’avoué, et pendant deux ou trois ans couvre le papier timbré de sa belle et large écriture de poète. Mais entre la paperasserie et l’âme de Botrel il y avait incompatibilité d’humeur ; le service militaire consomma le divorce. Il s’en fut porter le sac et le « flingot » au 41e de ligne à Rennes, vivant la modeste épopée de son Jean Sacaudos. »

« Aux environs de 1892, on commence à prononcer le nom de Botrel. Quelques années avant s’était fondé à Paris le célèbre Chat Noir… Las de n’être attaché à Salis que par… des saucisses, comme tous disaient, Jules Jouy, Ferny, Delmet, Masson, Musy, Hispa, fondèrent une concurrence, on plein faubourg Saint-Honoré, et le Chat Noir se mua en Chien Noir. C’est là qu’un beau jour arriva M. Théodore Botrel, alors — dernière étape — employé au chemin de fer de P.-L.-M. Tout le passé, toute son enfance, toute sa jeunesse, toute la poésie de la Bretagne, la poésie des pâtres dans la lande, du laboureur dans les champs, de l’Islandais en mer, toutes les élégies, toutes les chansons, se remuaient dans cette âme et demandaient une issue. De belles visions se dressaient devant lui : la Paimpolaise sur son rocher, le Cloarec sur la grève, la Vilaine dans son étang, Yann-Guenille sur son chemin de misère, et il se mit à chanter tout cela…

« Enfin en 1898, paraissent les Chansons de chez nous : le poète a fait du chemin, sa verve s’épure : c’est un vrai ruisseau de Bretagne désormais, un ruisseau limpide qui roule sur des cailloux clairs et qui ne reflète dans son cristal que la fleur des landes et l’azur du ciel. La Bretagne se reconnut en ces chants qui parlaient d’elle, en ces refrains tour à tour gais ou tristes, héroïques ou tendres comme son cœur et comme son âme. Elle se reconnut et elle applaudit : Botrel devint aussitôt son poète, le poète populaire par excellence… Et la France a suivi la Bretagne. La renommée de Botrel a eu vite fait de franchir les étroites frontières de la petite patrie. Les Chansons de chez nous, à qui l’Académie décerna un prix Montyon, les Chansons