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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/108

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meetings, et, de sa voix métallique et sonore, plaider la cause des ouvriers ; aujourd’hui ses convictions s’étaient presque détruites, étouffées par les élans de son art, mais il aimait les humbles et posait même à se faire l’égal des vagabonds nocturnes, à leur payer à boire, si bien que les autres l’avaient surnommé « Pauv’Peup’ », avec un brin de mépris aristocratique.

Chastel personnifiait bien ce mépris, avec sa moue un peu dédaigneuse, son dandysme excessif qui donnait à toute sa personne l’allure d’un prince indien voyageant incognito. Aussi n’avait-il de passion — sincère ou non — que pour les auteurs qui parlaient à ses aspirations élégantes : Byron, Barbey d’Aurevilly, Bourget ; pour les musiciens Schumann et Chopin.

A onze heures, on revenait à la Taverne Royale ; on rebuvait des bocks et la soirée commençait. Noctambules enragés, les quatre faisaient régulièrement le pèlerinage des caboulots de la rue des Bouchers, assistant aux rixes fréquentes des étudiants, des louches bohèmes de cafés-concerts et des souteneurs qui, à ces heures tardives, convergent vers les mêmes centres.

Certaines boutiques restent ouvertes toute la nuit à ces bandes panachées : celles des marchands de comestibles.

Derrière le comptoir blanc, un garçon armé d’une fourchette aiguë pique dans les caisses de fer-blanc les grasses sardines dorées ruisselantes d’huile, que des consommateurs hétéroclites tassés devant lui prennent à même, des deux doigts, avec un recul du corps ; une miche de pain français