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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/110

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La dernière halte, vers deux heures du matin, était le Café de Paris. Au sortir des quartiers noirs du Ba-ta-clan et de la rue de la Fourche, les quatre inséparables respiraient plus librement en débouchant sur le nouveau boulevard au fond duquel, comme un œil phosphorescent ouvert dans la nuit, s’allumait l’horloge du Temple des Augustins. Ils entraient alors dans le café nouvellement installé où se retrouvaient toujours des figures connues, de gens souvent coudoyés, attablés en groupes, ayant avec eux des filles à la miné provoquante qui, dans les jaillissantes lumières des lustres reflétées par les glaces, semblaient plus jeunes et plus fraîches.

Bientôt on se séparait, et Ferrian, le seul qui habitât le haut faubourg, remontait d’un pas fatigué, ayant perdu son entrain, et longeant les murs avec une sorte de frayeur d’être seul vis-à-vis de sa pensée qu’il sentait mécontente et aigrie. Les rues étaient désertes, la route semblait interminable, et seulement lorsque Jacques se retrouvait dans sa chambre, entouré des objets accoutumés, il se resentait vivre et songeait à cette bonne existence paisible d’avenir qu’il caressait comme un beau rêve et comme une revanche à son passé, à son présent pleins d’un morne dégoût

D’autres fois, ce dégoût les retenait, deux ou trois, réunis jusqu’à l’aube.

Avec ses frères en spleen, Ferrian restait alors de longues heures dans quelque bar éloigné, buvant de grands verres de gin qui ne le grisait plus, mais devait le brûler intérieurement sans qu’il le sentît. Les yeux alors prenaient, dans l’écarquillement fiévreux des paupières, une fixité farouche exprimant