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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/113

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flèches gothiques. Il l’avait lue ainsi dans Gautier, dans Gérard de Nerval, dans Hugo. Par la porte en ogive de l’édifice à peine achevé, il voyait passer toute une génération littéraire enthousiasmée par les Burgraves, et des mots cli’chés lui montaient, incohérents, aux lèvres, de burg, de palefroi, de vidrecôme ; il redevenait sans le vouloir le « moyen-âgeux » d’antan, songeait à Gringore, aux clercs, aux bazochiehs, à Esmeralda…

Il admirait le superbe décor, sombre et rigide dans l’air gris du matin à peine levé, le décor mystérieux et pensif qu’il avait prévu et contemplé de loin, par un effort d’esprit, dans des poèmes dix fois lus.

Le charme dura d’ailleurs pendant tout son séjour, pour cet artiste abstracteur qui sut détacher l’homme du tableau et voir l’Allemagne sans se douter du Prussien.

A Bonn, deux heures après, lorsqu’il descendit de wagon, Ferrian regarda autour de lui avant de sortir de la petite station.

Quelques jours auparavant, il s’était assuré d’un logement qu’un ami lui avait retenu en passant ; un appartement confortable dans une de ces « pensions bourgeoises » usitées là-bas, où l’étranger vit avec son hôte dans l’intimité de la table et des relations journalières. La demeure d’un professeur de paléographie, le docteur Hans Friedmann, lui avait été désignée comme « excellente à tous les points de vue ».

Ferrian s’étonnait de se trouver seul à l’arrivée, lorsqu’un grand vieillard sec, aux traits creusés et durs, s’approcha de lui et, avec un fort accent :