Aller au contenu

Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

piquée de deux longues aiguilles à boules de corail, les yeux sombres, la taille allongée comme une amphore, les bras nus sous les manches de velours frappé, — elle lui sembla une sorte de Pythie moderne, mystérieuse’comme l’antique, et, comme elle, clairvoyante.

— Mon brave Grégory, je ne puis pas vous empêcher d’aimer dans le passé ; le souvenir est une fatalité qu’on n’évite point ; tâchez seulement d’avoir la paix de la vie, à défaut de l’amour, et soyez grand, ne faites pas souffrir l’enfant qui sera votre compagne ; je ne puis rien vous dire de plus.

La comtesse se leva, Grégory fit de même et prit la main de Lysiane pour la baiser.

— Non, répéta-t-elle, ayez la paix dans la vie, serronsnous la main comme des amis ; plus de baisers.

Il alla vers la porte, et, une dernière fois, regarda la comtesse Lysiane ; puis il sortit, avec la vision d’une femme sombre dressée comme un fantôme dans la lumière d’un lustre à sept branches.

Lorsque Grégory eut disparu, la Superbe se rassit lentemant, et, de nouveau, devant le feu dont les bûches s’écroulèrent avec un jaillissement d’étincelles, dans la solitude immense de la nuit, elle fixa son regard et laissa son âme errer vaguement, pensivement…

Le duc Grégory s’en était allé sans révolte.

Depuis deux mois qu’il s’était jeté dans l’amour de Lysiane, il avait compris toute la volonté tenace de la comtesse et l’irrévocable de ses arrêts. Ne lui devait-il pas ce qu’il n’aurait