Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/16

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jamais espéré ? le suprême amour ? et pouvait-il croire à l’éternité de cet amour, alors que déjà ces soixante jours avaient plié son corps et cassé ses nerfs ?

Il s’en alla, résigné, vidé d’horizon, la tête tournante et perdue, avec, seulement, un large retour sur les premières et des dernières heures passées avec Elle. Elle, il redisait : Elle, ne pensant pas qu’il y en eût Une Autre, l’appelant en luimême La Femme, la Seule, en qui se concentrait toute la Femme, la Femme universelle. Comme une liqueur très violente dont une goutte eût suffi à parfumer un lac, Elle avait en quelques jours mis Son empreinte dans sa vie entière, en avait rempli tous les recoins.

« Qu’importe, se dit-il, en descendant le grand escalier de marbre, qu’importe ce mariage ? et pourquoi ne le consommerais-je point ? J’aimerai comme tout le monde, et la nouvelle venue ignorera que l’on peut aimer autrement. »

Et il haussa les épaules, raillant malgré lui, avec une joie égdiste, la future qui ne savait pas, qui ne pouvait pas savoir.

Au pied de l’escalier, que deux torchères niellées inondaient de lumière, un valet remit à Grégory sa pelisse et lui ouvrit la portière de sa voiture qui venait d’avancer dans le vestibule. Les deux larges battants de la porte s’ouvrirent et l’équipage s’enfonça dans la grand’route. A droite et à gauche, la forêt de Soignes s’étendait dans la nuit, et, seul, le roulement rapide du coupé résonna dans le silence de RougeCloître.

Une heure après, le duc s’arrêtait à la sortie de l’Avenue