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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/32

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« son duc », comme elle l’appelait en riant, l’intelligence et la délicatesse puritaines. Au commencement de leur union, Grégory tint à partager avec Christine ses jouissances intellectuelles. Ensemble, ils pénétrèrent dans ce sanctuairede l’art où les profanes n’ont point accès, mais à peine Perriane eut-il commencé cette sorte de sacerdoce conjugal, qu’il rencontra une chasteté inexpugnable chez sa jeune compagne. Ce qu’il aimait, les choses modernes, elle ne put arriver à les comprendre. Il dut bien des fois même blesser sa femme par ses théories, si neuves pour elle. Ses lectures de jeune fille s’étaient bornées à quelques auteurs romantiques dont on avait cacheté les pages trop ardentes, et c’est une poésie douce et sans flamme qui avait coulé dans son esprit, comme un fluide de candeur et de placidité. Elle n’avait jamais songé aux morsures de l’amour, n’en imaginait que les baisers, le voyait vague, nuageux, auréolé de voiles diaphanes ; tout en sachant les mystères de vie — ces mystères de Polichinelle — Christine n’avait pas eu la conception des brutalités humaines, et tout en elle se teintait de blandices, de candeurs, se bercait à l’idée d’embrassements presque angéliques. Un rêve lui avait montré tout cela dans la mousseline rose de sa jeune imagination, et voilà que maintenant, le duc, malgré ses subtiles délicatesses, lui faisait pressentir un monde de sensations qu’elle ne pouvait comprendre. Elle perçut qu’une science — celle des sens — lui manquait ; une seule pièce de Baudelaire, un jour, soudainement, par quelques syllabes, par un seul mot mystérieux lui entr’ouvrit le lourd rideau des choses. Et elle eut peur de cette pureté qui l’enveloppait