Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/34

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Alors, elle se rapprocha de lui, passa de longues heures en face de cet homme au visage pâle, mais dont les yeux semblaient forcer la porte des pensées d’autrui. Elle l’aima, elle s’abandonna dans ses bras, elle se livra caressante et délicieuse, et Grégory dut retrouver avec elle les impressions de ses jeunes amours de seize ans. Ce continuel tête-à-tête avec l’époux, avec celui qui ne cessait jamais d’être causant, intuitif, plein de charme, calma la crise où Christine se sentait sombrer. Elle s’arrêta de vouloir connaître encore et sa sérénité revint peu à peu. Après l’orage qui avait en quelques mois bouleversé sa paix, elle se retrouva dans l’intégrité de la race des Silvère, les yeux apaisés comme s’ils s’étaient reposés sur des siècles, la bouche rafraîchie, la main calme. En elle toute une transformation s’était faite ; la jeune fille, devenue femme dans le travail de l’initiation turbulente, puis rassérénée, avait fait de Christine une créature parfaite de formes. Avec ses grands yeux bruns, sa chevelure aux teintes changeantes qui s’ondulait en fuyantes vagues, sa taille souple qui semblait vouloir se renverser sous une invisible caresse, elle avait la grâce moderne mêlée à la beauté simple des vieilles souches nobles.

Des fois, sans le vouloir, Grégory la comparait à Lysiane, mais chez sa femme il ne trouvait pas, comme chez la châtelaine de Rouge-Cloître, cette âpreté presque farouche que son ancienne maîtresse tenait de ses aïeux d’Espagne, croisés de sang français.

Le baron de Silvère, père de Christine, était aussi de France, mais la baronne descendait d’une ancienne famille