Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/52

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— Caron a fait un couac.

— Le dernier roman de Daudet ne vaut pas le diable.

Avec ces trois phrases, dont les noms propres — ou malpropres — changeaient, les amis et amies se racontaient l’histoire contemporaine, « toutes vipères dehors. »

Grégory restait tard au Scotch-J’averti, écoutant avec un reste d’intérêt les discussions redites qu’on y dévidait. Vers une heure du matin il remontait chez lui d’un pas ferme, parfois ralenti, les jours où, par un mot, par un geste, on lui avait rappelé le nom de Lysiane. Que devenait-elle ? On la disait maîtresse d’un jeune peintre très en vogue, mais était-on jamais sûr ? Pouvait-on savoir ? La vie de la dame de Lysias était comme un puits insondable, dans lequel s’engloutissaient toutes les conjectures et tous les soupçons.

Puis, Grégory frémissait au souvenir des heures nocturnes que les jours écoulés lui faisaient déjà plus capiteuses dans l’éloignement. Il la revoyait, avec des formes moins précises, plus fondues et plus pleines de voluptueux mystère. Le corps, qu’il avait détaillé, lui apparut encadré de lignes divinisées, toujours adorablement pures. Devant son regard déniaient toutes les stations d’amour où, comme devant un reposoir lumineux, il s’était prosterné devant YAugusta, dans une adoration de lévite. Comme les esclaves devant la despotique Byzantine, il s’était agenouillé, et ses prières, transformées en baisers de feu, avaient monté des flancs ployés de l’impudique à s’a bouche morsurante et fatale. Il se rappelait chaque pli de cette peau transparente qu’il enlaçait, chaque ondulation paresseuse de cette croupe impeccable de forme,