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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/65

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présidente la baronne de Silvère, ayant en face d’elle Christine, resplendissante et reine, en faisaient les convives. La jeune femme se livra ce soir-là tout entière à une adorable gaîté. Sans regarder le duc plus que tout autre invité, elle suivait dans son attitude la surprise des découvertes qu’il faisait de minute en minute. Car vraiment il la découvrait, comme certains Parisiens, après trente-huit années de boulevard, découvrent un beau matin le Louvre. Cette femme était la sienne — et il la voyait pour la première fois ; elle lui appartenait — et il avait renoncé à elle ; il allait l’aimer, il le sentait, — et ni sa richesse, ni sa beauté, ni sa force, ni son esprit ne pouvaient enlever cette forteresse défendue par la désillusion !

Jacques d’Astor aussi regardait avec attention Christine, mais, chez lui, c’était avec le regret de ne plus revoir la jeune fille qu’il avait espérée naguère et dont les traits virginaux s’étaient gravés en lui. On lui avait repris la petite fiancée de son rêve… Puis, intérieurement, il se fit un geste qui devait signifier : Après tout, tant mieux !

Lorsqu’on se leva de table pour passer dans le salon, Grégory offrit son bras à la baronne de Silvère, tandis que Jacques offrait le sien à la duchesse.

Celle-ci distribua elle-même les tasses de café, que lui présentait à mesure un laquais. Lorsqu’elle arriva au duc :

— Un, deux ou trois morceaux de sucre, dit-elle en souriant.

— Quatre, dit-il, cela vous prendra plus de temps ! Je suis fier, ajouta-t-il à demi-voix, d’être le duc d’une duchesse comme vous.