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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/70

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Pas une solennité artistique n’eut lieu sans que la duchesse Christine s’y trouvât, toujours simplement vêtue, mais révélant, par une allure inimitable, l’élégance originelle des Silvère.

Elle lisait beaucoup ; en quelques mois, son éducation littéraire s’était faite. Après les grands romans et les « purs chefs-d’œuvre » classés parmi les choses problématiques qu’on « a lues », Christine avait suivi pas à pas la piste des tendances nouvelles. Des idylles romanesques du romantisme, de Mm8 de Staël, Chateaubriand et Georges Sand, elle tomba brusquement sur les « réalistes ». Quelques livres surnagèrent en elle de ce fleuve d’encre : La Curée, Charles Demailly, Une vieille maîtresse, Ce qui ne meurt pas, Les Fleurs du mal

Le mystère entra lentement en elle ; elle voulait comprendre, comprendre davantage encore, cueillir et disséquer ces fleurs morbides à la sève empoisonnée, analyser les venins de la vie pour les faire servir dans la composition du phyltre d’amour qu’elle devait joindre à sa royauté physique !

Aux ouvrages d’art maladif, succédèrent les livres interdits. Avec une patience interrompue de révoltes et de dégoûts, Christine rechercha les œuvres érotiques publiées sous le manteau. Le marquis de Sade lui livra Justine, Alfred de Musset Gamiani, Henri Monnier Tit Chat. Plus d’une fois, elle se sentit mordue à la chair et le sang remué par les descriptions obscènes, mais toujours la race pure des Silvère dominait en elle, et si ses yeux étaient plus cerclés et plus phosphorescents, à l’évocation des anormes qu’étalaient ces