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l’objet le plus direct de la science sociale que de dire au plus juste en quoi les destinées de tous les hommes sont indépendantes, en quoi elles sont solidaires les unes des autres. Toujours est-il que l’idée d’une certaine solidarité déterminable et définissable des destinées humaines constitue l’essence de l’idée de société.

II. Maintenant, s’il est à croire que le fait de la société puisse tirer son explication de quelque fait supérieur, et si l’on me demande quel est ce fait, je réponds sans hésiter : — La liberté.

S’il est un principe que les moralistes de tous les temps et les psychologues de notre époque soient parvenus à mettre en évidence, à soutenir contre les attaques de toute philosophie superficielle et dangereuse, c’est le principe de notre liberté psychologique, c’est cette vérité que, si les êtres inanimés et les animaux accomplissent fatalement et instinctivement leur destinée, l’homme, au contraire, poursuit librement la fin pour laquelle il est au monde.

Or, comme deux conséquences se rattachant au principe de liberté, apparaissent deux faits : la moralité et la société.

L'homme est une personne libre ; c’est-à-dire un être raisonnable qui se connaît et qui se possède, qui se conçoit une destination, qui se sent obligé de rechercher sa fin et de la pour suivre volontairement. Tout ce qu’il fait ainsi librement lui est imputable. Il est responsable de tous ses actes volontaires : à lui seul en revient le mérite ou le démérite. Ce que fait librement l’homme en vue de l’accomplissement de sa destinée, c’est le bien ; le mal, c’est pour l’homme l’abandon volontaire de la poursuite de sa fin. Ainsi, c’est une vérité définitivement acquise à la science que la liberté est la source de toute moralité ; que les faits individuels ou généraux, abstraits ou concrets, dont l’ensemble constitue le monde se partagent en deux classes : les uns prenant leur source dans la fatalité des forces naturelles et n’étant jamais susceptibles d’être envisagés au point de vue du bien et du mal, les autres issus de la libre volonté de l’homme et nécessairement empreints du caractère de moralité ou d’immoralité. Le fait de la gravitation universelle et le fait de la maladie sont en dehors de la morale, parce que chacun d’eux est un fait fatal. Pour la même raison, il ne