Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/62

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temps, s’écriait avec colère : — « Ah ! çà, quand tout cela finira-t-il ? » On lui répondait : — « Jamais. » Lancés dans ce courant de mécontentement, d’aigreur et de haine, ils deviennent aisément féroces, et feraient volontiers, pour assurer leur tranquillité, quelque Saint-Barthélémy d’idéologues.

Je crois n’être que juste à l’égard des ennemis de la question sociale ; mais comme je ne veux pas être suspect de partialité ; je serai plutôt sévère qu’indulgent pour les amis qui la compromettent. Il est certain d’ailleurs qu’il existe une démocratie de mauvais aloi, née du socialisme empirique, plus funeste peut-être et plus dangereuse pour le progrès que l’apathie ou l’hostilité systématiques des conservateurs de toute espèce. S’il y a d’une part sottise et ignorance, il y a de l’autre ignorance et folie ! Lequel vaut mieux ? — « Toutes les substances de première nécessité devraient être gratuites, » me disait-on un jour. Qui donc proférait cette énormité ? Quelque manœuvre ignare ? Nullement, c’était un médecin qui passait pour instruit. L’agitation de ces prétendus démocrates est encore moins un empressement hâtif qu’une turbulence bavarde et stérile. Ils proclament la question sociale ; ils prétendent y chercher l’équilibre de tous les droits et de tous les devoirs ; mais en réalité qu’y peuvent-ils trouver ? La satisfaction, je ne dirai pas de leur cupidité, non, mais celle de leur amour-propre. En effet, le droit pour eux n’est pas la légalité, c’est l’application de leurs systèmes. Qu’il faille avant tout élaborer les principes ; que, pour être mise en pratique, la théorie doive avoir été sanctionnée par la discussion, c’est ce qu’ils ignorent. Écoutez-les : ils ne défendent point des idées, ils attaquent des personnes. Ils ne se préoccupent pas, disent-ils, de construire, ils veulent démolir, préparer le terrain, faire la place nette, phraséologie vide de sens, grosse de désordre et de misère. Il y en a qui vont plus loin, mais qui, pour être plus précis, n’en sont pas moins égarés. Je passe leurs propos sous silence : ils font frémir ; on entrevoit derrière ces folies en paroles des folies en actions, des luttes, des haines, des vengeances, et les cinq cent mille têtes que demandait Marat pour assurer le salut du peuple. Les conservateurs traitent ces démocrates de démagogues ; eux nomment les conservateurs réactionnaires. Ils s’expliquent les uns les autres. Les conservateurs refusent de se mêler au mouvement social ; les démocrates en question se