retirent sciemment de la société ; ils s’en isolent de parti pris. Tous sont également condamnables ; tous sont également en dehors des voies du progrès.
Fort heureusement il se trouve, en dehors de ces faiblesses et de ces exagérations, à un degré supérieur de l’échelle des idées et des sentiments, un ensemble de dispositions meilleures et d’opinions plus sages. Il est un parti d’hommes intelligents et surtout généreux, ennemis du trouble, mais par cela même amis du progrès, craignant les utopies, mais conquis d’avance à toutes les réformes qui se présenteront au nom de la science, de la vérité, du bon sens. Ce parti sans doute ne constitue pas la majorité ; mais s’il n’est pas considérable par le nombre, il l’est par l’autorité morale : l’expérience de l’histoire le prouve. Je pense qu’à toutes les époques les classes supérieures de la société ont été généralement corrompues par le luxe, je pense également que dans tous les temps les classes inférieures ont été dépravées par la misère. Mais je sais aussi qu’il y a toujours eu des exceptions et que ces exceptions ont fait à elles seules l’histoire et le progrès. S’est-on demandé quelquefois chez combien d’individus s’était opéré, dans tous les siècles, le développement régulier des facultés humaines ? Chez bien peu très probablement. Que d’êtres en l’âme de qui la nature avait déposé les germes de la liberté, de la raison, de l’amour sont restés au rang des brutes ! que d’autres y sont retombés ! faute par eux d’avoir pu ou su cultiver ces germes précieux ! Ah ! certes, à qui veut y regarder de près, l’humanité apparaît comme réduite à quelque chiffre bien exigu de personnes morales voulant, pensant et sentant ! Il n’importe : ce petit nombre de privilégiés toujours grossissant a suffi de toute antiquité à maintenir la destinée humaine à la hauteur d’une destinée morale. Il y suffit encore : il y suffira toujours, même à ces heures d’affaissement des passions, d’abaissement des mœurs où la civilisation semble concentrée dans le travail industriel, où les sciences et les arts se taisent, où tout entière aux intérêts matériels, la société ne désire qu’un repos inerte, ne veut ni se souvenir ni prévoir, où comme fatigués de liberté les hommes sembleraient vouloir retourner à l’instinct.
Qui pourrait m’en vouloir d’énoncer que nous subissons une crise de cette nature ? Tout le monde le dit : je ne fais que le répéter. Qui ne s’associerait volontiers à mon espérance si