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Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/108

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CHAPITRE VIII


Navigation depuis le Détroit de le Maire, jusqu’au Cap Noir.


Nous n’étions pas encore hors du Détroit que toutes nos espérances furent fort près d’être ensévelies avec nous dans le sein de la Mer ; car avant que les derniers Vaisseaux de l’Escadre eussent débouqué, le Ciel pur et serein, que nous avions, se couvrit, et offrit à nos yeux tous les signes d’une Tempête prochaine. Le vent sauta au Sud, et se mit à souffler par rafales si violentes, que nous fumes obligés d’ammener nos voiles de de Perroquet, et de bourcer la grande Voile. La Marée, qui jusqu’alors nous avoit été favorable, changea, aussi et nous poussa, vers l’Est, avec tant de vitesse, que nous eumes tout lieu de craindre que le Wager et l’Anne, qui faisoient l’Arrière-garde, ne fussent brisés sur les côtes de la Terre des États : et ils n’échappèrent à ce péril qu’avec la plus grande difficulté : toute l’Escadre même, au-lieu de continuer sa route vers le S. O. fut emportée par la violence réunie de la Tempête et du Courant, desorte que le lendemain matin nous nous trouvames à sept lieues à l’E. de la Terre des États, qui nous restoit au N. O. Nous commençames dès lors à nous appercevoir, que l’entreprise de doubler le Cap Horn, pourroit bien excéder nos forces. Jusques là nous n’avions pas manqué de gens, qui traitoient de chimères les difficultés que les Navigateurs qui nous avoient précédés, disoient avoir rencontrées, et qui n’attribuoient ces difficultés qu’à la timidité et à la malhabileté de ces premiers Voyageurs, et non à la Mer et aux Vents. Nous eumes lieu d’être convaincus que ces jugemens étoient téméraires. Les dangers que nous eûmes à combattre pendant les trois mois suivans, passent peut-être tout ce qu’on a éprouvé dans aucune expédition navale. C’est ce dont on pourra juger par le récit que j’en vais faire.

Depuis la Tempête qui nous accueillit au débouquement du Détroit de le Maire, nous eumes une suite continuelle de tems orageux, qui surprit les plus expérimentés Marins, et qui leur fit avouer, que tout ce qu’ils avoient appellé Tempêtes jusqu’alors, n’étoit rien en comparaison de celles-ci. Elles élevoient des vagues si hautes et si courtes qu’on ne voie rien de semblable dans aucune Mer connue : et ce n’étoit pas sans raison