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que nous frémissions continuellement à leur vue ; car une seule qui se seroit justement brisée sur notre Vaisseau, nous auroit coulé à fond. Outre cela, ces vagues causoient un roulis si violent, qu’on étoit dans un danger continuel d’être brisé contre le Tillac, ou contre les côtés du Vaisseau, quelque soin qu’on prît de se bien cramponner. Nous eumes quelques gens de tués par ces accidens et d’autres fort blessés ; un de nos meilleurs Matelots fut jetté hors de bord et se noya ; un autre se disloqua le cou ; un troisième fut jetté par l’Ecoutille entre les ponts et se cassa la cuisse ; un de nos Contre-Maîtres se cassa la clavicule en deux endroits : sans parler de bien d’autres accidens du même genre. Ce qui contribuoit à rendre ces tempêtes plus dangereuses, c’étoit leur inégalité et les intervalles trompeurs qui les séparoient : après avoir été réduits pendant plusieurs jours de suite à ne porter que la Misaine bourcée, et de tems en tems à nous abandonner aux Flots à mâts et à cordes, si nous ôsions quelquefois risquer de nous servir de nos basses voiles à double ris, ou que dans des intervalles plus favorables, nous eussions la hardiesse de faire usage de nos voiles hautes ; soudain, et sans que rien nous servît de présage, la tempête revenoit fondre sur nous, plus forte qu’auparavant, et nous mettoit nos voiles en pièces. Ce n’est pas tout encore, ces vents furieux étoient accompagnés de pluies froides et de neige, qui nous couvraient nos agrés de glace et géloient nos voiles, ce qui rendoit les uns et les autres si cassans, qu’ils ne pouvoient résister au moindre effort ; outre que la maneuvre en devenoit plus rude et plus difficile, nos gens en avoient les membres engourdis ; à quelques-uns même les pieds et les mains tombèrent en mortification. Je ne finirois point, si je voulois rapporter tous les maux, où nous fumes exposés dans le cours de cette Navigation.

J’ai dit que ce fut le 7 de Mars que nous débouquames du Détroit de le Maire et qu’immédiatement après nous fumes jettés à l’E. par la violence de la tempête et par la force des Courans. Les quatre ou cinq jours suivans, nous eumes de violens coups de vent, toujours du même rumb, avec une mer prodigieusement grosse ; et quoique nous eussions toujours porté vers le S. O., nous n’avions pas lieu de croire que nous eussions gagné vers l’О. Pendant ce tems, nous eumes de fréquens grains de pluie et de neige, et notre Vaisseau puisa quantité d’eau. Les trois ou quatre jours suivans le vent parut un peu s’abbattre ; mais la mer n’en fut pas moins mâle : le 18 le vent se renforça, avec un froid excessif