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Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/133

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ble l’Ilе de Juan Fernandez Quoique le second rendez-vous fût marqué à la hauteur du Port de Baldivia, comme nous n’avions trouvé aucun de nos Vaisseaux au premier, il n’y avoit nulle apparence de les trouver à l’autre ; et certes, nous n’avions que trop de raisons d’être persuadés que de toute l’Escadre nous étions les seuls qui n’eussent pas péri. D’ailleurs nous étions réduits si bas, que bien loin de penser à attaquer les Places de l’Ennemi, nos espérances les plus flatteuses aboutissoient au bonheur de pouvoir sauver le corps de notre Vaisseau, et quelques restes de notre Equipage désolé, en gagnant au plus vite l’Ile de Juan Fernandez. C’étoit la seule rade dans ce quartier du Monde, où nous pussions radouber notre Vaisseau, faire recouvrer la santé à nos Malades, et éviter aussi de périr en Mer jusqu’au dernier homme.

Il ne nous restoit donc plus de choix à faire, et sans plus délibérer, nous voguames vers l’Ile de Juan Fernandez. Comme nous perdions cinq ou six hommes par jour, nous résolumes, pour gagner du tems, et aussi pour éviter le danger d’être affalés sur la Côte, de chercher cette Ile, en courant sur le Méridien où elle est marquée. Le 28 de Mai, nous nous trouvames à la Latitude, qu’on lui assigne ordinairement, et nous nous flattions de la voir bientôt : mais ne la trouvant pas encore, nous commençames à croire que nous avions trop pris à l’Ouest. Notre Commandeur étoit persuadé qu’il l’avoit vue le 28 au matin, mais ses Officiers soutinrent que ce n’étoit qu’un nuage, et le tems qui étoit couvert, favorisoit leur opinion ; il fut donc résolu de faire l’Est sous le parallèle où nous étions, et il étoit bien certain, que de cette manière il n’étoit pas possible de manquer cette Ile, si nous avions pris trop à l’Ouest, ou autrement de découvrir le Continent du Chili, d’où nous pouvions prendre notre point de départ et être sûrs de ne plus manquer cette Ile, en faisant cours vers l’Ouest.

Le 30 de Mai, nous eumes la vue du Continent du Сhili, à lа distance de douze à treize lieues. Le Païs nous parut blanc, élevé et inégal ; c’étoit sans doute une partie, des Cordilléras que nous voyions, et qui sont toujours couvertes de neiges. Quoique cette vue nous assurât de notre position, elle nous prouva aussi, que nous avions changé notre cours fort inutilement, dans le moment même que nous allions probablement trouver cette Ile tant désirée. La mortalité étoit parvenue parmi nous аu point le plus terrible, et ceux qui étoient encore en vie étoient abbattus par ce dernier contretems, et par l’idée de rester plus longtems en mer : notre provision d’eau tiroit à sa fin, et tout concouroit à nous jetter