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tions sur la Côte, et l’impatience qui nous agitoit à la vue des herbes et autres rafraichissemens qui s’offroient à nos regards. Nos rations d’eau étoient très médiocres depuis un tems assez considérable, et nous п’еn avions plus que cinq tonneaux à bord. Il n’y a que ceux qui ont souffert longtems la soif, et qui peuvent se rappeller l’effet que les seules idées de sources et de ruisseaux ont produit alors en eux, qui soient en état de juger de l’émotion avec laquelle nous regardames une grande Cascade d’une eau transparente, qui tomboit d’un rocher haut de près de cent pieds dans la Mer, à une petite distance de notre Vaisseau. Ceux de nos malades, qui n’étoient pas à l’extrémité, quoique allités depuis longtems, se servirent du peu de forces qui leur restoient et se trainèrent sur le tillac, pour jouir d’un spectacle si ravissant. Nous côtoyions ainsi le rivage, attentifs à contempler ce païsage, qui nous paroissoit plus beau à mesure que nous avancions davantage. Mais la nuit étant survenue, avant que d’avoir pu trouver la Baye que nous cherchions, nous résolumes d’aller toute la nuit la sonde à la Main. Nous eumes depuis soixante-quatre jusqu’à soixante-dix brasses d’eau, et envoyames le lendemain notre Chaloupe à la découverte. Cependant le courant nous porta pendant la nuit si prés de terre, que nous fumes obligés de laisser tomber notre seconde ancre sur cinquante-six brasses de profondeur, à moins d’un demi-mille du rivage. A quatre heures du matin, notre troisième Lieutenant fut envoyé avec le Canot pour chercher la Baye où nous souhaitions d’être, et revint à midi avec une bonne quantité de Veaux marins et d’herbe ; car quoiqu’il y eût dans l’Ile de meilleures plantes en abondance, ceux qui avoient été à terre, n’ayant pas eu le bonheur d’en trouver, avoient cru que de l’herbe seroit un mêts très délicat : aussi ne se trompèrent-ils pas dans leur attente, cet aliment, tout dédaigné qu’il auroit été en toute autre occasion, ayant été dévoré avec la dernière avidité. Les Veaux marins servirent aussi de rafraichissemens, mais on n’en fit pas grand cas alors, à cause que l’Equipage du Canot avoit pris beaucoup d’excellent poisson. Ils avoient aussi découvert la Baye, où nous avions dessein de mouiller, et qui étoit à l’Ouest de l’endroit où nous nous trouvions. Le tems nous ayant paru favorable le lendemain matin, nous tâchames de lever l’ancres dans le dessein de gagner cette Baye tant désiгéе : mais quoique nous y employassions toutes nos forces, et que même les malades, qui pouvoient à peine se tenir sur leurs jambes, nous aidassent, nous étions si faibles de monde pour virer le Cabestan, qu’il s’écou-