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ge de voiles, le Tryal prenant tant d’eau, qu’on n’en voyoit que la voilure, s’étoient rassurés en remarquant qu’ils se trouvoient presque toujours à la même distance du Tryal. Dans le plus fort de leur frayeur ils s’étoient recommandés à la protection de la Sainte Vierge, et il s’en fallut peu qu’ils ne s’imaginassent avoir été exaucés ; car ayant fait fausse route pendant la nuit, et pris, à ce qu’ils croyoient, toutes les précautions possibles pour qu’on ne vît aucune clarté dans leur Vaisseau, ils auroient pu facilement échapper, s’il n’y avoit pas eu une fente dans un de leurs volets. La lumière, qui passoit par cette ouverture, dirigea le cours du Tryal, qui gagnant toujours, se trouva enfin à la portée du Canon. Le Capitaine Saunders envoya alors au Vaisseau ennemi une bordée, qui n’empêcha pas les Espagnols de continuer tranquilement leur route. Mais cette tranquilité ne fut pas de longue durée, car comme le Tryal se préparait à leur donner une seconde bordée, ils sortirent de leurs cachettes, amenèrent les voiles, et se rendirent sans faire la moindre résistance. C’étoit un des plus grands Vaisseaux marchands, dont on se servît dans ces Mers, d’environ six cens tonneaux, et nommé l’Aranzazu. Il alloit de Callaо à Valparaiso, et avoit à peu près la même charge que le Carmelo, excepté que l’Argent, qui se trouva à bord, n’excédoit guère la valeur de 5000 livres sterling.

Mais la joye, que nous ressentimes en cette occasion, fut fort diminuée, quand nous apprimes, que le grand Mât du Tryal étoit fendu, et que son grand Mât de Hune, avoit été abattu. Pendant que nous portions le lendemain matin de conserve à l’Est, avec un vent de Sud assez frais, ce Vaisseau essuya un nouveau malheur : son Mât de Misaine se rompit, de sorte qu’il se trouvoit entièrement démâté. Ce qui contribuoit à rendre ces différens accidens plus fâcheux, étoit l’impossibilité où nous étions alors d’y remédier. Le vent étoit fort, et la Mer si grosse, que nous n’osions pas envoyer notre Chaloupe au secours du Tryal ; comme, d’un autre côté, nous ne pouvions pas abandonner ce Vaisseau dans l’état où il étoit, nous mimes en panne pendant près de deux fois vingt-quatre heures. Pour comble de malheur, le vent nous éloignoit de notre croisière, dans un tems, où en conséquence des lumières que nous avions reçues, nous pouvions espérer de voir paroître sur la Côte divers Vaisseaux ennemis, que rien n’empêcheroit à présent de gagner le Port de Valparaiso. Et je suis très convaincu, que le malheur que le Tryal eut de perdre ses Mâts, et notre éloignement de l’endroit où nous devions