Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/240

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Bête, qui se trouve à sa portée, et sa morsure passe pour être mortelle et sans remède. Ce ne sont pas-là les seuls Animaux nuisibles qui habitent cet endroit ; la Mer y est pleine d’Alligators d’une grandeur extraordinaire, et nous y avons souvent remarqué une sorte de grands Poissons plats, qui sautoient fort haut hors de la Mer, et que nous croyions être le même, qu’on dit avoir souvent tué des Pêcheurs de Perles dans le tems qu’ils quittoient fond et vouloient renager vers la surface de la Mer ; il les embrasse alors dans ses nageoires, et on nous a assuré que les Plongeurs, sont obligés pour leur sureté, d’être armés d’un couteau pointu, qu’ils enfoncent dans le ventre de cet Animal, quand ils s’en sentent saisis.

Tandis que nous restions ici à l’Ancre, le Commandeur accompagné de quelques Officiers, fut en Chaloupe, visiter une Baye, qui nous restoit au Nord, et rangea ensuite toute la Côte Orientale de l’Ile. Partout où ces Messieurs touchèrent, ils trouvèrent que le Terrain étoit fort gras, et que l’eau y étoit excellente et en grande abondance, ils virent entre autres à la Pointe du N. E. de l’Ile, une Cascade, qui leur parut plus belle que tout ce que l’art a jamais pu produire en ce genre : une Rivière de l’Eau la plus claire et de vingt toises de large, couloit par une pente assez rapide de près de quatre-vingt toises de longueur, dans un Canal fort irrégulier, car le fond et les bords n’en étoient formés que de gros quartiers de Roc. Dans quelques endroits, l’eau, coulant sur un talus égal, faisoit les plus belles nappes qu’on pût voir, et dans d’autres endroits elle tomboit en cascades admirables. Les environs étoient couverts d’une belle Forêt, et les masses de Rocher même, qui formoient les bords du Canal et qui quelquefois s’avançoient au-dessus, étoient couronnées des plus hauts arbres. Dans le tems que le Commandeur et sa Compagnie contemploient les beautés de ce lieu, et en observoient toutes les singularités, une volée d’Aras passa au-dessus d’eux et comme si ces Oiseaux avoient eu dessein d’animer la scène et de relever la magnificence du spectacle, ils s’arrêtèrent quelque tems en cet endroit et en faisant mille tours en l’air, ils donnèrent tout le tems nécessaire, pour remarquer l’éclat et la variété de leur plumage. Quelques-uns, de ceux qui eurent le plaisir de jouir de ce spectacle, ne peuvent encore le décrire de sang froid.

Dans cette promenade, nos Messieurs ne virent aucuns Habitans, mais ils trouvèrent quelques hutes sur le rivage, et de grands monceaux de