Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/411

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eut appris cet accident, il en fit des plaintes au Mandarin, qui étoit chargé de l’inspection des Vivres, qu’on fournissoit à nos Gens ; mais le Mandarin, se contenta de répondre froidement, que la Chaloupe n’auroit pas du aller à terre ; il promit pourtant que les Voleurs seroient punis, si on pouvoit les découvrir ; mais on pouvoit bien juger à son ton, qu’il ne se donneroit pas la peine de faire aucune recherche. Longtems après, comme il y avoit plusieurs Bateaux Chinois, autour du Centurion, qui y avoient apporté des Vivres à vendre, le Matelot qui avoit arraché l’épée des mains du Coquin qui l’avoit prise, accourut fort échauffé vers le Commandeur, et l’assura qu’un des principaux Voleurs se trouvoit dans un de ces Bateaux. L’Officier, qui avoit été volé, envisagea ce misérable et le reconnut très bien ; surquoi on le fit saisir, et on l’arrêta à bord du Centurion, et c’est alors qu’on fit de belles découvertes.

Le Voleur, dès qu’on lui mit la main sur le collet, parut si effraié, qu’on crut qu’il en alloit mourir sur le champ. Le Mandarin, qui avoit inspection sur les Vivres, eut l’air fort déconcerté, et ce n’étoit pas sans raison ; car on eut bientôt des preuves, qu’il étoit complice de toute l’affaire. Le Commandeur déclara qu’il alloit faire arquebuser le délinquant, et le Mandarin, déposant bientôt l’air d’autorité dont il avoit réclamé cet Homme, descendit jusqu’aux supplications les plus basses, pour demander qu’il fût relâché ; en quoi il fut secondé par cinq ou six Mandarins du voisinage, qui se rendirent à bord pour cet effet, en moins de deux heures de tems, et qui trouvant le Commandeur inflexible, lui offrirent une bonne somme d’argent pour la liberté du coupable. Pendant ces sollicitations, le Mandarin qui paroissoit le plus empressé de tous et le plus intéressé dans l’affaire, fut reconnu pour être ce Cavalier, qui étoit venu joindre l’Officier, immédiatement après qu’il eut été volé, et qui avoit tant blâmé la conduite de ces Païsans Chinois. On apprit de plus qu’il étoît le Mandarin de l’Ile, où le vol avoit été fait, et que c’étoit par ses ordres que cette vilaine action avoit été commise. Tous ces Mandarins, dans les discours qu’ils tinrent à cette occasion, laissèrent échaper plusieurs traits, qui ne laissoient pas lieu de douter qu’ils ne fussent tous complices de cette infamie, et que le sujet de leurs craintes étoit qu’elle ne vînt à la connoissance du Tribunal de Canton, où le prémier article de leur Sentence seroit de les dépouiller de tout ce qu’ils possédoient au monde ; car quoique leurs Juges nе valussent peut-être pas mieux qu’eux, ils n’avoient garde de manquer de leur faire subir un châtiment