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desorte qu’au grand étonnement des Chinois, nos Matelots vinrent en peu de tems à bout d’arrêter l’Incendie, et que malgré leur extrême hardiesse, ils en furent quites pour quelques fortes contusions.

Le dommage que ce feu causa fut très considérable ; il consuma une centaine de Boutiques et onze rues pleines de Magazins. Un seul Marchand Chinois, nommé Succoy, bien connu de nos Anglois, y perdit pour sa part près de deux cens mille livres sterlings. Ce qui augmenta considérablement la violence du feu, c’est qu’il y avoit beaucoup de Camphre dans quelques-uns de ces Magazins ; cette matière produisit une colomne de flamme extrêmement blanche, qui s’éleva à telle hauteur, qu’elle fut vue distinctement à bord du Centurion, qui étoit ancré à trente milles delà.

Tandis que le Commandeur étoit occupé avec ses Gens à éteindre le feu, la terreur qui avoit saisi tous les esprits, porta plusieurs des plus considérables Marchands Chinois, à s’adresser à lui pour le supplier de leur donner à chacun, un de ses Matelots, qu’ils appelloient Soldats, à cause de leurs uniformes, pour garder leurs Maisons et leurs Magazins, qu’ils avoient lieu de croire que leur indigne Populace ne voulût piller. Mr. Anson leur accorda ce qu’ils demandoient, et nos Matelots se conduisirent tellement à la satisfaction de ceux qui les employèrent, que ces derniers ne pouvoient trop se louer de leur vigilance et de leur fidélité.

Il ne fut plus question dans toutes les conversations que du courage et de la probité des Anglois. Dès le lendemain de l’Incendie plusieurs des principaux habitans de cette grande Ville vinrent rendre leurs devoirs à Mr. Anson, et le remercier des secours qu’ils en avoient reçus. Ils avouoient naturellement qu’ils ne seroient jamais venus seuls à bout d’éteindre le feu, et que c’étoit à lui qu’ils étoient redevables de la conservation de la Ville. Peu après le Commandeur reçut un message de la part du Viceroi, qui fixoit son audience au 30 de Novembre. Certainement cette promte résolution du Viceroi, dans une affaire qui avoit été si longtems traitée en vain, n’avoit pour cause que les services signalés que Mr. Anson et ses Gens avoient rendus, dans le tems de l’Incendie, et dont le Viceroi lui-même avoit été témoin occulaire.

Cette audience ainsi accordée fit d’autant plus de plaisir à Mr. Anson qu’il ne douta point que ceux qui formoient le Conseil de Canton n’auroient pas pris cette résolution, sans être auparavant convenus de renoncer à leurs prétentions, touchant les Droits d’ancrage, et d’accorder au