Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

convînt à leur dessein. Faute de mieux, il fut conclu qu’on tâcheroit de renforcer l’ancien mât de misaine par trois Jumelles : ouvrage qui occupa nos Charpentiers jusqu’à la veille de notre départ. Dans ce même tems notre Commandeur ayant jugé nécessaire d’amener un Vaisseau net dans la mer du Sud, ordonna que le Tryal fût caréné, ce qui pouvoit se faire sans perte de tems pendant qu’on travailloit à terre à réparer les mâts.

Le 27 de Décembre nous apperçumes une voile au large. Dans l’idée que ce pouvoit être un Vaisseau Espagnol, on arma la Chaloupe à dix-huit rames, et on la détacha sous les ordres de notre second Lieutenant, pour le visiter avant qu’il arrivât sous le Canon des Forts. Le Vaisseau se trouva être un Brigantin Portugais de Rio Grande. La manière, dont notre Officier en agit à l’égard du Maître de ce Vaisseau n’eut rien que d’obligeant, et bien loin de lui donner le moindre sujet de plainte, il ne voulut pas même recevoir un veau que cet homme le pressoit d’accepter en présent. Cependant le Gouverneur se montra hautement offensé de l’envoi de notre Chaloupe, et traita notre procédé de violation des Traités qui subsistent entre les Couronnes d’Angleterre et de Portugal. Nous n’attribuames d’abord un si ridicule langage qu’à l’insolence de Don Jose ; mais quand nous sçumes qu’il alloit jusqu’à accuser notre Lieutenant de brutalité, d’avoir ouvert des Lettres, & particulièrement d’avoir voulu faire enlever par force ce même veau, qu’il savoit comme nous l’apprimes dans la suite, que notre Officier avoit refusé comme présent, nous eumes lieu de soupconner qu’il cherchoit querelle, et que ce n’étoit pas simplement par humeur, mais par des motifs plus importans qu’il en agissoit ainsi. Il nous auroit été fort difficile de deviner alors quels pouvoient être ces motifs, qui ne furent plus dans la suite un mystère pour nous ; car nous apprimes par des Lettres, qui tombèrent entre nos mains dans la mer du Sud, qu’il avoit dépêché un Exprès à Buénos Ayres, où Pizarro se trouvoit en ce tems-là. Il marquoit à cet Amiral l’arrivée de notre Escadre à Ste. Catherine, et lui donnoit un détail précis de nos forces et de notre état ; d’où nous inférames, que Don Jose avoit probablement imaginé ce chimérique sujet de plainte, pour nous empêcher de visiter le Brigantin quand il remettroit en mer, et de trouver des preuves, non seulement de sa perfidie envers nous, mais aussi de son Commerce de Contrebande avec les Gouverneurs voisins et les Espagnols de Buénos Ayres.