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VOYAGE DANS LES PRAIRIES

porter cette bête, en soutenant que c’était un régal dont ils étaient extrêmement friands, une expression universelle de dégoût s’éleva contre eux, et on les regarda presque comme des cannibales.

Mortifié de cet ignoble début de nos chasseurs, j’insistai pour leur faire abandonner leur proie et reprendre leur marche. Beatte céda de mauvaise grâce, et demeura en arrière en grondant entre ses dents. Cependant Tony, avec sa légèreté ordinaire, se consola en vantant de toute la force de ses poumons la richesse, la délicatesse d’une fouine rôtie. Il jurait sa foi que c’était le mets favori des gourmands indiens les plus expérimentés. Ce fut à grand’peine que j’imposai silence à sa loquacité ; mais si la vivacité d’un Français est réprimée d’un côté, elle sait se faire jour d’un autre, et Tony passa son humeur en administrant des volées de coups, accompagnés de juremens, à nos malheureux chevaux de bât. J’étais cependant menacé de voir à la fin mon opposition à la fantaisie de ces varlets devenir inutile ; car, au bout d’un certain temps, Beatte ayant repris son poste de guide, j’aperçus, à ma grande vexation, la car-