Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il faut qu’elle avale des larmes amères avant d’être délivrée du mal,
il faut que la vie la blesse et la rabaisse.
Peut-on abattre l’orgueil d’une femme qui porte des marques sanglantes,
d’un cœur qui ressemble au granit battu des vents sur les hauteurs des Gwlfas ?
Seul le soleil brûlant du plein été peut faire craquer le granit,
seul l’amour peut se frayer un chemin dans un cœur de jeune fille.
Moi, Robert Rideout, je lui fendrais l’âme en deux,
je la prendrais dans un filet d’amour et la ferais souffrir.
Jamais elle ne se pavanerait sous le plumage de ses sœurs
dans le monde où les gens perdent leur âme.
Je préférerais l’aimer jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus se voir et s’entendre,
jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus se supporter et soit morte pour elle-même.
Et, quand elle serait, prosternée à mes pieds, implorant l’amour du vacher-berger,
quand ses beaux cheveux traîneraient sur le sol de notre cuisine,
je lui parlerais encore quelque temps avec dureté.
Mais enfin, ô oiseaux et animaux des Gwlfas,
je la saisirais soudain dans mes bras et l’étoufferais sous les baisers.
Gillian, Gillian, Gillian Lovekin !
Gillian, Gillian, Gillian Lovekin !
Il est fâcheux d’être vacher-berger quand on aime une femme riche,
une femme qui a des moutons de bonne race sur les collines et de l’argent à la banque.
Je donnerais volontiers un mouton à chaque vieille veuve du pays,
et une livre de son argent à chaque orphelin,
et quand il ne lui resterait rien qu’une guirlande de vierge,
j’irais la lui demander.
Ainsi elle serait une mendiante. Alors je la ferais reine de Dysgwfas,
et je travaillerais vingt heures sur vingt-quatre pour Gillian,
et je dormirais les quatre autres dans ses bras.
Et Gillian serait doublement vivante après sa mort,
dans mon pennillion et dans les enfants que je lui donnerais.