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SEPT POUR UN SECRET…

Personne ne connaissait celle-ci. Isaïe avait toujours obstinément refusé de l’amener aux foires et, dans les rares occasions où il la conduisait à la Croix-des-Pleurs, il ne s’arrêtait pas avec elle Aux Armes du bouvier, mais dans un petit thé modeste, plus haut dans la grande rue. On connaissait Elmer de vue et on supposait que Gillian était sa femme ou sa fiancée.

Le dîner achevé, ils s’en allèrent à la foire, où du sol humide montait au soleil une bonne senteur, et où l’haleine odorante du bétail, le parfum chaud et laineux des moutons, le halètement fétide des chiens, mêlés au goudron, à l’huile des chevaux de bois, au velours épais, aux chevaux, au cuir, et à l’inévitable fumier, composaient un grand bouquet qu’adoucissait l’air frais et vif de la campagne.

Un homme collait des étiquettes sur les corps lisses et tendus des porcs. Il leur frappait le flanc d’une brosse mouillée, appliquait et aplatissait le papier de la main, et passait à un autre, laissant l’animal content de soi et intrigué. La vente commença, mais Elmer oublia qu’il avait une vache à acheter. Ils allèrent sur les chevaux de bois, virent la femme géante et se firent dire la bonne aventure. La tribu de Johnson était là, mais lui-même ne venait plus jamais aux foires. Ils tirèrent sur des noix de coco, admirèrent un escamoteur, regardèrent des jeunes gens qui frappaient sur la tête de Turc, et Elmer, essayant à son tour sa force, réussit très bien. Sur quoi Gillian mit complètement Robert à l’écart pour ce jour-là et décida que c’était Elmer qu’elle aimait. Et comme, mêlés à la foule, ils regardaient boxer deux agents de police poids-lourd, elle imagina Elmer vainqueur et Robert mis hors de combat.

La voix du crieur de la vente faisait retentir les murs des maisons voisines.