courbes de sa bouche, par nature, confirmaient sans cesse, tandis que, par la volonté de Robert, elles les contredisaient continuellement. Et puis il y avait sa façon de se tenir assis sur la banquette de derrière, les bras convenablement croisés, comme un groom, dont il se donnait l’air soumis, — tout en faisant paraître ridicule les prétentions d’Isaïe — sans compter la compréhension tacite que Robert conformait à tous les modèles usuels, sauf une réserve. Enfin il y avait sa voix qui avait toujours sa même chaleur naturelle, plus une gravité qu’il s’imposait. L’entendre dire « Madame Elmer », était une souffrance que Gillian redoutait tout en la désirant. Elle s’obstinait à se la procurer. Elle s’appliquait aussi à se faire donner un ordre, tel que « Attention à la roue, Madame Elmer ! ». Elle avait même dû un jour pour cela se tenir sur la jante, les pieds entre les rayons, presque jusqu’au moment où Isaïe lança à la jument son « Au trot ! ». Robert l’avait parfaitement vue faire, mais il avait pincé les lèvres et gardé le silence, lui faisant comprendre que son seul bon sens, son père ou son mari, devrait la mettre en garde contre cette folie enfantine. Aussi Gillian se dit-elle avec une sorte d’extase insolente : « Je resterai sur cette roue jusqu’à ce qu’elle me brise les jambes, mais je ferai parler Robert. »
Elle vit fort bien — et Robert s’en aperçut — son père installer sa couverture, placer les rênes dans sa main, grogner, prendre le fouet et se préparer à lancer son « Au trot ! ». Alors, Robert la regarda. L’entêtement, voilant la passion, se heurta à une obstination cachant une passion encore plus profonde. La colère dans les yeux de Robert rencontra la rébellion dans ceux de Gillian et, avant que ne fût prononcée la première syllabe du « Au trot ! », Robert dit : « Otez-vous de cette