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Page:Webster - La Duchesse de Malfi, 1893, trad. Eekhoud.djvu/53

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Ferdinand. — Le diable l’emporte ! En voilà assez de cette étude du cœur d’autrui. Informe-la de ce que je t’ai dit. (Exit.)


Entre LA DUCHESSE.


Bosola. — Mes meilleurs souhaits à Votre Grâce ?

La duchesse. — Je n’ai qu’en faire. Pourquoi continuer, dis-moi, à recouvrir d’or et de sucre tes pilules empoisonnées ?

Bosola. — Le duc Ferdinand, votre frère aîné, compte se rendre auprès de vous. Par malheur, ayant fait un jour, à la légère, le serment de ne plus vous voir, il ne viendra que la nuit et il demande humblement que votre rencontre ait lieu dans l’obscurité. Il vous baisera la main en signe de réconciliation. Son serment seul l’empêchera de vous regarder.

La duchesse. — Qu’il soit fait ainsi qu’il le désire. Emportez les lumières… Le voici.


Entre FERDINAND.


Ferdinand. — Où êtes-vous ?

La duchesse. — Ici, Seigneur…

Ferdinand. — Les ténèbres sont de mise dans votre cas…

La duchesse. — Je sollicite mon pardon…

Ferdinand. — Il vous est accordé. Armé du droit et du pouvoir de frapper, je tiens le pardon pour ma plus noble vengeance… Où sont vos jeunes ?

La duchesse. — De qui parlez-vous…

Ferdinand. — À la rigueur je puis les appeler vos enfants. Car quoique la loi établisse une distinction entre les bâtards et les héritiers légitimes, la nature compatissante les met au même rang.

La duchesse. — C’est pour me tenir de semblables discours que vous êtes venu ! Sachez que vous insultez à un sacrement de l’église. Cette impiété vous sera comptée dans l’enfer…

Ferdinand. — Quel dommage que vous n’ayez pas toujours vécu comme à présent. La vie au grand jour, en pleine lumière, ne vous valait rien. Mais brisons là. Je suis venu faire ma paix avec vous. Prenez cette main. (Il lui tend une main de mort.) Vous lui aviez voué beaucoup d’affection. Tâtez cette bague ; vous me l’avez passée à ce doigt…

La duchesse. — Donnez, que je baise affectueusement cette main amie…

Ferdinand. — Oui. embrassez-la. Je vous la tends en signe d’affectueux témoignage ; fixez-en l’empreinte dans votre cœur. Je fais mieux : je vous