Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/111

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promesse de vêtements ou de nourriture ne peuvent préparer le jaillissement d’une vraie foi. Il n’y a qu’un chemin vers la foi pour des malheureux, c’est la vertu de pauvreté spirituelle. Mais c’est là une vérité cachée. Car la pauvreté spirituelle ressemble en apparence à l’acceptation de la servitude. Elle y est même identique à un infiniment petit près. Toujours le même infiniment petit, qui est infiniment plus que tout.

Le malheur n’est pas par lui-même une école de pauvreté spirituelle. Il est seulement l’occasion presque unique d’en faire l’apprentissage. Quoiqu’il soit beaucoup moins fugitif que le bonheur, il passe pourtant, et il faut se hâter.

L’occasion présente sera-t-elle mise à profit ? Ce problème est peut-être plus important militairement que les plans stratégiques, plus important économiquement que les statistiques et les tableaux de répartition. Hitler nous a enseigné, si nous sommes capables d’apprendre, que la politique vraiment réaliste tient compte avant tout des pensées.

Il joue pour le mal ; sa matière est la masse, la pâte. Nous jouons pour le bien, notre matière est le levain. Les procédés doivent différer en conséquence.