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RÉFLEXIONS SUR LA RÉVOLTE

Ce qui écrase moralement la France, c’est le fait qu’elle est sortie de la guerre presque avant d’y être entrée. La masse du peuple français n’avait pas encore assumé l’attitude d’esprit du combattant en mai 1940. Un mois plus tard, la France était hors de la guerre. Elle s’est trouvée comme un homme qui a la tête fracassée pendant son sommeil et se débat longtemps dans un affreux cauchemar avant le réveil.

Compte tenu de tout, la France a souffert des conséquences de la guerre plus peut-être qu’aucun autre pays. Mais elle n’a pas l’esprit de guerre pour réconfort des souffrances de la guerre. Un Français qui a froid et faim ne peut pas se dire : « C’est la guerre ! » Car ce n’est pas la sienne. Quand la France était dans la guerre en fait, elle n’y était pas en esprit. Maintenant qu’elle y est en esprit, elle n’y est plus en fait. Cette distance entre la pensée et la réalité a été et est encore d’une gravité mortelle pour la France. À cause d’elle l’épreuve actuelle, quoique tellement plus douloureuse, est une chose irréelle, un cauchemar, comme la « drôle de guerre ».

Si ce qu’on a appelé la « Révolution nationale » est demeuré un pur néant, ce n’est pas seulement à