Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/117

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tainement dans ce sens. Mais c’est dans une mesure encore très insuffisante. L’action de sabotage n’a pas atteint une intensité ni une importance qui lui permette d’avoir un retentissement sur la sensibilité publique. Les meurtres de soldats allemands, d’ailleurs moins répandus en France qu’ailleurs, comportent des dangers d’ordre moral terribles et apparaissent plutôt comme d’aveugles explosions de haine que comme des actes de guerre.

La presse illégale mérite beaucoup d’admiration. Il est certainement beau et nécessaire que quelques hommes, sous les yeux de l’ennemi, risquent la mort pour dire non à l’oppression. Mais on peut se demander s’il n’y a pas eu une trop grande dépense d’énergie et de courage dans cette voie. Car quant à l’action sur l’opinion, la radio de Londres a eu une action infiniment plus grande à beaucoup moins de frais. Dans beaucoup de milieux qui n’ont pas été touchés par les journaux clandestins, l’esprit de résistance a été alimenté seulement par elle. Puis la presse clandestine, tout en exposant ceux qui y travaillent aux pires dangers, consiste quand même en fin de compte en paroles, en appels à l’action. Quoique les appels à l’action soient indispensables, ils n’atteignent le plus haut degré possible de puissance persuasive que s’ils sont accompagnés par l’action elle-même, par l’infliction d’un dommage concret, matériel à l’ennemi. L’action elle-même constitue le plus puissant des appels à l’action et le stimulant le plus irrésistible.

Il y a des gens qui sont disposés dès maintenant au risque et même au sacrifice, mais qui se réservent pour quelque chose de plus concret que la propagande ; ils prendraient part au mouvement s’il se tournait tout entier vers l’effort pour faire effectivement le plus de mal possible à l’ennemi. Ces hommes, étant d’un tempérament plus modéré, plus prudent que ceux qui se sont lancés tout de suite dans l’action clandestine,