Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/118

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seraient d’un usage particulièrement précieux dans l’organisation du pays après la victoire, si on a su les faire émerger auparavant. Il y en a beaucoup d’autres qui n’ont pas encore été remués jusqu’au fond de l’âme ni par le malheur du pays ni par la propagande, mais qui prendraient feu si une action efficace et de grande envergure se développait. Ainsi une action de ce genre disposerait très vite de forces de très loin supérieures à celles que possède le mouvement clandestin actuel.

Au bout de peu de temps, la masse même de la population pourrait être ébranlée ; et parallèlement le moral des troupes d’occupation s’effondrerait. Cette prévision est applicable, bien entendu, à tous les territoires occupés. La contagion pourrait même s’étendre à l’Italie, à l’Espagne, à l’Europe centrale.

Les victoires actuelles créent une tendance naturelle à compter sur le cours du temps, à laisser la tension morale se relâcher un peu. Mais c’est le moment, au contraire, de tendre au maximum toutes les énergies, tous les efforts d’invention pour frapper l’ennemi à coups redoublés, l’étourdir, le désespérer. Dans les territoires occupés, la durée et l’intensité croissante de la souffrance, jointes à une espérance enfin confirmée par les faits, produisent précisément maintenant le milieu moral le plus favorable au jaillissement des énergies, à la contagion de l’héroïsme.

Si on saisit ce moment, la situation du printemps 1940 peut se reproduire à l’envers très prochainement.

Par exemple, on peut imaginer qu’après une certaine période d’action sourde, mais générale, intense et méthodique, sur les territoires occupés et en Allemagne même pour saper l’organisation de l’ennemi, un jour un débarquement des armées alliées s’opère sur le territoire même de l’Allemagne. Au même moment, très probablement, toutes les populations non allemandes