Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/119

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de l’Europe, si seulement des armes leur tombent du haut du ciel, et même sans en avoir, anéantiraient irrésistiblement les troupes allemandes disséminées au milieu d’elles et paralysées par la surprise. Et la panique, la trahison, la guerre civile larvée ou même ouverte, bref tous les phénomènes qui ont ouvert l’Europe à l’armée allemande se développeraient sur le territoire allemand, où tous les étrangers, soulevés d’espérance, répandraient le désordre partout.

Tout cela semble au moins très probable. Car une utilisation méthodique et efficace de l’esprit de révolte, portant les populations soumises au premier plan dans la conduite générale de la guerre, mettrait si haut le moral des nations conquises et abaisserait tellement celui de la nation conquérante qu’un seul événement spectaculaire, tel que la présence des armées alliées en Allemagne, couronnant une série de succès, pourrait suffire à l’effondrement de l’ennemi.

Il y a deux vérités qu’il faut toujours considérer ensemble. D’une part c’est principalement le moral qui décide de l’issue des guerres, et dans une guerre comme celle-ci plus que dans toute autre. D’autre part ce ne sont pas les paroles, mais les faits d’une certaine espèce combinés avec les paroles, qui élèvent ou abaissent le moral.


Mais l’utilisation stratégique du potentiel de révolte en Europe, et notamment en France, a plus d’importance encore pour l’après-guerre que pour la victoire. La victoire peut peut-être s’obtenir sans cette utilisation, quoique ce ne soit pas certain. Mais pour l’après-guerre c’est un facteur vital, décisif.

La libération du territoire français est l’essentiel, mais ne peut résoudre aucun problème. Elle est essentielle pour que les problèmes se posent. Si l’Allemagne avait la victoire définitive, aucun problème ne se poserait plus ; il n’y en a pas pour les esclaves. Une fois