Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/121

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avant la guerre, pendant la guerre ou depuis la défaite, sont éliminés de ce fait même ; la France a la même répulsion pour son propre passé récent qu’un malade pour ses propres vomissements.

Le général de Gaulle, aux yeux de la masse des Français, est un symbole, non pas un chef. Ce sont deux choses très différentes, quoique les mots n’expriment pas toujours la différence. En un sens, il est beaucoup plus beau d’être un symbole, et c’est ce dont la France, jusqu’ici, a eu le plus grand besoin. Mais une fois le territoire libéré, une autorité sera indispensable pour parer aux dangers les plus pressants.

Les liens, d’une part entre le général de Gaulle et le mouvement clandestin en France, d’autre part entre ce mouvement et la masse du peuple français, sont très loin d’être d’une solidité proportionnelle à l’extrême tension qu’ils auront à soutenir au cours d’épreuves prochaines et terribles. Ces liens deviendraient plus solides que l’acier au moyen d’une lutte commune qui serait réellement une des parties essentielles de la guerre. En même temps se forgerait un cadre, un réseau unique de chefs français, étendu à travers la France, l’Angleterre, l’Afrique du Nord, dont les membres seraient du fait même de l’action reconnus par le peuple français et par l’étranger et fermement établis par la victoire.

Étant donné que les communications sont aux mains des Britanniques, qui, très légitimement, pensent avant tout, presque exclusivement à la guerre, la difficulté des contacts entre la France et le Comité National français, difficulté qui constitue un danger moral presque mortel de part et d’autre, ne peut trouver aucun remède, sinon une modification de la stratégie qui fasse de la révolte en France une partie essentielle de la guerre.

En ce cas, la quantité nécessaire de bateaux et d’avions y serait affectée, un va-et-vient pourrait