Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/124

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tienne sous toutes ses formes auront effectivement tenu une place. Effectivement, c’est-à-dire, puisqu’il s’agit d’une guerre, militairement. Ce sont les valeurs les plus hautes qui ont le plus besoin d’être incarnées.

Pratiquement, la grande difficulté d’une stratégie de la révolte orientée dans une telle direction, c’est la contradiction qu’il y a entre une action clandestine et une action publique susceptible d’entraîner un peuple. Mais cette contradiction, si elle est étudiée attentivement, n’est sans doute pas insoluble.

Par exemple, il est possible peut-être de rendre publics, d’une part la création même d’un Conseil suprême de la révolte, d’autre part l’ordre de grandeur des résultats obtenus, après coup et sans détails. D’autre part la pratique des petits groupes (de cinq, par exemple) reliés seulement par le haut, pratique mise à l’épreuve depuis longtemps par les communistes allemands et le mouvement clandestin français, permet d’entraîner dans l’action des quantités de gens considérables avec le minimum de dégâts. Dès lors que la révolte serait une partie essentielle de la guerre, il n’y aurait pas à tenter d’empêcher les pertes, mais de les limiter à la proportion regardée comme admissible dans une action militaire.

Quand un mouvement clandestin s’élargit, ses risques augmentent, à cause de la quantité de traîtres, d’hommes douteux ou de faibles qui s’y infiltrent. Mais s’il s’élargit davantage encore, le nombre devient au contraire un facteur de sécurité. Car la police politique ennemie a des effectifs limités, et la nature même d’un tel travail empêche que ces effectifs puissent être augmentés à volonté. Dès lors, à partir d’un certain point, il devient possible de harasser, de surmener, de désespérer les membres de cette police, de les mettre dans un état de démoralisation et de désarroi qui les neutralise. Ainsi l’élargissement du mouvement clandestin, après une période très dure, très cruelle, pour-