Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/207

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c’est devenu sans cesse plus clair et plus impérieux.

Mais l’incertitude qui doit envelopper toujours le sentiment d’un commandement particulier de Dieu n’importe pas, à mon avis.

Je crois que si quelqu’un a ce sentiment par erreur, et si, à cause de ce sentiment, il met toute sa force, toute sa foi et toute son humilité dans l’effort d’obéir, alors, à condition que la chose ne soit pas mauvaise par soi (ce qui est presque certainement le cas pour mon désir), la miséricorde divine fait un commandement divin de ce qui d’abord ne l’était pas.

Je suis tout à fait sûre que si quelqu’un, pensant même à tort avoir reçu un commandement de Dieu, manque à l’accomplir faute d’énergie, de foi, de capacité de persuader, il est dans le crime de désobéissance.

C’est ma situation en ce moment.

Cette situation est à mes yeux infiniment pire que l’enfer — en supposant vrai tout ce qu’affirme la théologie sur ce point. Les damnés ne sont pas dans la désobéissance, ils sont à la place où les a mis le vouloir de Dieu ; leur sort est conforme à la justice et à la vérité parfaites. C’est pourquoi il m’est impossible d’avoir peur de l’enfer. Mais j’ai la terreur de la désobéissance.

Il est compréhensible que, me trouvant dans une situation pour moi infiniment pire que l’enfer, je manque à la discrétion et à toutes les convenances, et ne cesse de lancer des appels désespérés pour en sortir.

Vous vous dites peut-être — ou même au cas contraire une partie de vous-même peut penser — qu’étant hors de l’Église les mots que j’emploie ne peuvent avoir pour moi la plénitude de leur signification.

À cet égard, je crois que je vous dois une confidence.

À mes yeux, un sacrement chrétien est un contact avec Dieu à travers un signe sensible, employé par