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Voudrais-tu écrire à Antonio[1] ? Je n’ose pas le faire.

Fondest kisses, my darlings,
S. W.




17 avril 43
Darlings,

Il y a un certain temps que je n’ai pas eu de nouvelles… J’ai bien peur que vous n’ayez un cafard horrible, si ce n’est pire. Pourtant, si le printemps est aussi merveilleux à New York qu’ici, ce serait le moment de naviguer sur l’Hudson vers Albany. Je me demande s’il y a de grandes forêts pas trop loin de New York. Sur le bateau qui m’a amenée ici, j’avais lu un livre très bien — de l’humour américain authentique — sur les animaux fictifs qui sont censés peupler les forêts d’Amérique. Ce sont des blagues de « lumbermen » racontées par les anciens aux nouveaux comme canulars, mais qui sont devenues l’objet d’une tradition, de sorte qu’on peut décrire la forme, les mœurs, etc., de chaque animal fictif.

Le ciel doit être extrêmement bleu au-dessus de New York. Ici le printemps est merveilleux. Londres est plein d’arbres fruitiers blancs et roses.

Si vous voyez D., voulez-vous lui dire qu’étant donné son caractère (choisir d’autres mots…) et sa conception des choses, je ne crois pas du tout, mais pas du tout, qu’il se trouverait mieux ici qu’à New York.

Quant à moi, j’y suis beaucoup mieux. Mais j’ai un regret chaque jour plus amer et déchirant d’avoir suivi autrefois les conseils d’A. À part cela je vais tout à fait bien. Je travaille, sans savoir si cela servira

  1. Paysan espagnol anarchiste, interné au camp du Vernet puis au camp de Djelfa en Algérie par le gouvernement de Vichy.