Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/250

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pour l’Afrique du Nord, sont fondés seulement sur la situation générale, ou si on vous a donné des assurances précises et personnelles.

D’ici, je ne puis me faire encore aucune idée de vos chances. En tout cas j’ai parlé pour vous, en employant les arguments les plus persuasifs que j’aie pu imaginer. Je ne peux rien de plus. Malheureusement, cela ne dépend pas directement de Ph.

J’ai fait il y a quelque temps la connaissance d’un « Blimp ». C’est une espèce intéressante à observer. Il dit qu’il a tellement souffert les trois premiers mois de la guerre (i. e. 1939), ayant compris dès lors que de toute manière tout était fini, que quelque chose est mort en lui et que sa sensibilité ne peut plus réagir aux malheurs de la guerre. La cause de cette atroce souffrance, c’étaient les premières mesures — très désordonnées — d’étatisation, et l’installation de quantité de gens de gauche dans des postes importants… Après ça, à quoi peut-on être encore sensible !

Bien entendu, on ne trouve rien de ce genre parmi les jeunes, du moins à ce que j’ai entendu affirmer.

Depuis quelques jours (et nuits) chaleur étouffante. Soyez tranquilles, j’ai la possibilité de m’habiller en conséquence.

Le printemps est décidément loin. La moisson approche ; elle sera, dit-on, splendide. On ne voit plus de fraises. Sont apparues à leur place, d’abord des « loganberries », sorte de framboises sauvages au goût assez framboisé, très sauvage, et souvent très aigre ; puis des framboises proprement dites. En dehors des fruits et des puddings, presque tous les desserts sont à la gélatine. On me dit que cette mode de la gélatine date de longtemps avant la guerre… Voir une de mes précédentes lettres.

Bientôt — dans une heure peut-être, ou demain, ou après-demain — il y aura un coup de vent, un peu de pluie, et il fera presque froid. Du moins c’est probable.